Mille et une Tunisie : Vous avez été nommé dernièrement Directeur de la division du développement muséographique à l’I.N.P., quel regard portez-vous sur les musées de Tunisie ?
Taher Ghalia : Le potentiel est là mais les ressources sont souvent mal exploitées. Il faut dire aussi que les musées ont eu bien souvent peu de moyens. Je pense qu’actuellement notre pays a parfaitement conscience des potentialités économiques qu’offre le développement de la culture. Certaines régions comme celles de Jendouba, Le Kef, Kasserine, Sidi Bouzid ont un fort potentiel touristique avec de nombreux sites archéologiques et naturels.

Le souci est bien souvent que ces mêmes régions  ont peu,  voire  pas du tout,  d’infrastructures touristiques d’accueil. Ce qui n’est pas le cas des régions comme le Sahel, Djerba ou le Sud. Les travaux de réaménagement et d’extension des musées du Bardo et de Sousse et la création de celui des Arts et traditions populaires à Djerba ont été des projets pilote d’un début de changement. Dans la Tunisie post-révolutionnaire, la priorité est pour l’instant donnée aux régions défavorisées de l’intérieur du pays. L’UNESCO,  au lendemain de notre révolution,  a alloué un don exceptionnel à la Tunisie afin de l’aider et de la soutenir dans la protection et la valorisation de notre patrimoine. Actuellement le ministère de la Culture et le ministère du Tourisme travaillent main dans la main dans ce sens.

Mille et une Tunisie : On entend beaucoup dire depuis la Révolution la nécessité de développer le tourisme culturel du pays. 8 sites tunisiens sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Humanité et le pays est riche de patrimoines architecturaux et naturels. L’INP a-t-il prévu de développer des circuits touristiques culturels à travers le pays comme cela a été fait pour la médina du Kef ?
Oui, mais nous procédons par étape. Comme je vous disais, le ministère de la Culture et celui du Tourisme travaillent conjointement sur un circuit touristique culturel dans la région. L’objectif est de développer le tourisme culturel dans la région du Kef, connue pour sa richesse archéologique et naturelle. Le projet d’une enveloppe globale de 9 millions de dollars (12,4 millions de dinars) sera cofinancé par ces deux ministères. Il vise à valoriser le patrimoine du Kef, longtemps marginalisé, et permettre la multiplication des projets d’hébergement, de restauration et d’animation. De ce fait, il générera des centaines d’emplois et fera du Kef un pôle du tourisme culturel.
L’INP va faire une mise à niveau et repenser certains musées comme celui des arts et traditions populaires du Kef ou de Gafsa. Le 1er s’inscrira dans le pôle culturel régional.

Mille et une Tunisie : La Tunisie c’est aussi tout un patrimoine immatériel. Y a-t-il des projets de valorisation de ce patrimoine ? En quoi consistent-ils ?
L’INP n’oublie pas cette catégorie de patrimoine. Des chercheurs  ainsi que  des universitaires travaillent depuis des années sur l’art culinaire, la musique, les jeux. C’est un champ considérable de recherche et qui trouvera un jour sa place dans les musées.

Mille et une Tunisie : Dernièrement 82 nouveaux postes de conservateurs du patrimoine ont été créés. Quelle est la répartition géographique de ces conservateurs et quelles sont leurs attributions exactes ?
82 conservateurs ont été titularisés et un concours externe pour le recrutement de 80 autres conservateurs va être ouvert. L’INP aura donc plus de moyens pour travailler. Ces conservateurs seront répartis sur tout le territoire avec des attributions sur des sites et des musées. L’INP est aussi en pleine restructuration. Il est important de laisser plus de pouvoir aux régions et de donner les moyens aux conservateurs de travailler à la recherche et aux projets de restauration en les dégageant des aspects de gestion.

Mille et une Tunisie : Pouvez-vous nous en dire plus sur le devenir de la Cité de la Culture et sur le futur musée d’art moderne qui devrait y trouver sa place ?
Il est nécessaire d’offrir à Tunis, la capitale, des lieux culturels d’excellence. Le réaménagement du musée du Bardo et la création d’un musée d’art moderne qui prendra place dans la future Cité de la Culture devraient compenser une carence culturelle évidente (en dehors des Festivals bien sur). Le musée d’art moderne s’inscrit donc dans une volonté de montrer l’effervescence et la richesse de l’art en Tunisie. Il s’agit de donner du sens à ce projet totalement mégalomane entrepris sous Ben Ali et qu’est cette Cité de la Culture.

Propos recueillis par Aurélie Machghoul

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