Selon diverses sources, des individus se prévalant de l’islam se sont introduits de force dans la Basilique antique du Kef voulant détruire ce monument datant de l’époque byzantine. Un édifice religieux de grande importance datant du VIème siècle, donc bien avant l’arrivée de l’islam en Tunisie. Pourquoi ? En fait ce sont des Salafistes qui considèrent que ce monument est blasphématoire. On ne peut donc s’empêcher de penser combien de monuments ont–ils répertoriés et pensent détruire à termes? Qui va les arrêter et surtout quand ?

Selon leur vision des choses, de très nombreux sites tunisiens pourraient être menacés. Témoins de notre riche histoire s’ils venaient à être détruits les pertes n’en seraient qu’inestimables et irremplaçables. D’ailleurs, l’Histoire n’attend ni le 23 Octobre, ni le prochain gouvernement, ni le retour des bons esprits… Il faut agir vite et tout de suite.

Où sont les autorités tunisiennes ? Où est le ministère de la Culture ? Où sont les partis politiques dont le parti « Enahdha » qui parle de développer un tourisme religieux mettant en avant ce patrimoine en particulier ? Pour Rached Ghannouchi, il ne s’agit pas seulement de déclarer dans les meetings que son parti est « l’épine dorsale de la renaissance de la Tunisie ». Il s’agit de prouver aussi sur le terrain qu’ils sont garants d’une Tunisie au-dessus de la politique et du temps.

Si les Salafistes mettent leurs menaces à exécution, la perte sera d’autant plus incalculable que la Tunisie se réconcilie à l’heure actuelle avec son identité et se réapproprie son histoire en y écrivant une nouvelle page. La Tunisie n’a pas besoin de se retrouver, une fois encore, trahie par les siens. Des fous de dieu qui se réclament d’un islam qui n’est pas le nôtre. D’un islam qui ne nous ressemble pas.

Pour l’heure, l’incident semble maitrisé. Le Gouverneur de la région du Kef a réagi prudemment  mais l’obscurantisme et l’ignorance mènent à tout. La destruction des Bouddhas en Afghanistan par les Talibans en 2002 avait choqué le monde. Restons vigilants pour que pareils crimes ne soient perpétrés. Ils seraient fatals pour notre démocratie naissante et enverraient au monde une image d’un pays qui a basculé dans l’obscurantisme au lieu de se hisser parmi les pays porteurs de paix et de tolérance.

Faut-il prendre au sérieux ces menaces ? Absolument, les Salafistes ont fait de nombreux « exploits » honteux. En Algérie, en Egypte, en Arabie-Saoudite où les « wahabites » ont détruit des sites de première importance en 1806 lorsque l’armée a occupé Médine. Les armées ont alors rasé le « Baqi’ » qui contenait les restes des figures centrales de l’Islam des débuts. Les mosquées ont également été visées et la tombe du prophète Mohamed a failli être démolie. Ils ont depuis détruit plus d’une centaine d’édifices.

Les extrémistes luttent aussi contre certaine croyances comme le « tawassoul ». Une forme d’invocation qui consiste à demander l’intercession d’un prophète ou d’un saint pour se rapprocher d’avantage d’Allah. Les salafistes refusent cette pratique qu’ils considèrent comme un acte de polythéisme « ecchrak » et se sont attaqués à plusieurs saints et marabouts dans le pays. Certaines sources confirment des attaques perpétrées contre des marabouts à Mahdia, Zaghouan, Djerba…

Pour en revenir à la basilique du Kef, l’incident est alarmant et reste à suivre. Cependant, il témoigne de la gravité de la situation marquée par un salafisme de plus en plus voyant. Ici et là les signes de la « conquête » deviennent ostentatoires. Les signes d’intimidation, les regards menaçants, l’habit en « qamis » deviennent légion dans toutes les régions du pays. Partout des hommes et des femmes se plaignent d’avoir été harcelés, menacés, avertis, agressés…

Un vieux monsieur qui fait ses prières dans la même mosquée depuis plus d’une trentaine d’années n’ose plus y aller. On a débarqué son imam, changé sa « kibla », interdit de mettre un bermuda, empêché de s’appuyer sur ses deux bras… Pas un jour ne passe sans qu’une jeune fille ne soit prise à parti pour avoir mis une jupe pas assez longue ou une vieille aux cheveux gris humiliée pour ne pas avoir encore porté un voile. Les jeunes qui ne se rendent pas à la mosquée sont taguées et on leur reproche rudement d’avoir osé toucher aux interdis.

Le vrai danger pour le moment est de garder le silence. C’est la peur qui bâillonnait le pays. Il faut donc rester aujourd’hui doublement attentif. Dans un contexte où l’on écoute forcément ceux qui crient le plus, le reste doute. Leur force est de vous faire croire que sans eux vous ne valez rien. C’est bien là toute la supercherie !

Alors que la société civile se révèle de plus en plus efficace et organisée pour veiller sur la collectivité, les partis politiques aiguisent leurs approches et affutent leurs méthodes. Il est désormais inutile d’attendre plus longtemps pour faire face à ce fléau qui pousse les plus fragiles vers la crainte et la peur.

A cause de pareils pratiques sur les marchés, dans les transports publics, dans les villes et villages du pays, certaines parties de la population n’osent exprimer de l’intérêt ou de la curiosité pour la « chose » politique. Nombreux sont aussi ceux qui voient en le parti « Enahdha » un parti modéré qui pourrait les protéger du salafisme. D’autres sont choqués par certaines pratiques qui les font se sentir étrangers dans leur propre pays. Ceux là n’ont pas la force ni la clairvoyance d’aller voter. Pas tous ! Amel Djait

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