Mille et une Tunisie : Dalila Laabidi, qui êtes-vous et d’où vous vient cette passion des marionnettes ?
Dalila Laabidi : Je crée des marionnettes depuis plus de 30 ans. J’ai un parcours un peu atypique. Après des études d’institutrice puis des cours en tant qu’auditeur libre à l’Ecole des Beaux-Arts de Tunis, je suis finalement entrée à la télévision nationale tunisienne à la fin des années 1970. Je travaillais alors dans l’atelier de fabrication des marionnettes de la télé.

J’ai ensuite réalisé un stage de plusieurs mois en Allemagne pour m’initier à certaines techniques et me perfectionner dans d’autres. Pour moi, l’art de la marionnette a un rôle culturel et éducatif primordial. C’est un outil de premier ordre dans l’éducation artistique de la jeunesse, dans la pédagogie de l’apprentissage pour les instituteurs mais aussi dans les rapports éducatifs et humains enfants/parents. Une marionnette est un tout qui raconte une histoire et suscite le rêve, c’est pourquoi je me passionne pour elles.

Mille et une Tunisie : Parlez-nous de la façon dont vous travaillez ?
Depuis toute petite, je me passionne pour les tissus, les étoffes, etc. Ma mère me racontait que je prenais les vêtements de mon frère pour confectionner d’autres vêtements pour mes poupées. Actuellement, je travaille dans mon atelier situé à Ben Arous.

J’ai du confectionné plus de 15000 marionnettes depuis mes débuts. Un tissu vu aux fripes, un souvenir d’enfance ou un conte m’inspire un personnage. Par exemple, lorsque j’étais petite il y a avait des gitanes qui venaient chez ma grand-mère pour proposer les dentelles, je me souviens aussi du vendeur d’eau, le Guerbagi. J’ai réalisé des marionnettes de ces personnages que j’affectionne particulièrement. Donc à partir de ces inspirations je décide du personnage à créer. Je crée le corps de la marionnette au tour à bois. Pour les visages, je procède soit avec le tour à bois soit avec de la pâte à bois.

Mille et une Tunisie : Où peut-on voir et acheter vos marionnettes ?
J’expose régulièrement en mars au Salon de la création artisanale de Tunis. Il m’est également arrivé d’exposer sur des Salons internationaux comme ceux de Grenade et d’Elmeria en Espagne, aux Etats-Unis grâce au CEPEX ou encore en Italie, en France ou en Allemagne. En Tunisie, les gens peuvent me contacter directement ou passer par des revendeurs comme le musée Chraiet de Tozeur, les boutiques Negretta d’Hammamet, de La Marsa, de Tunis Médina, de Djerba (Houmt souk) ou encore la boutique La Différence à Midoun.

J’avais aussi dans les années 80 un kiosque au parc du Belvédère à Tunis où je vendais mes marionnettes. J’ai rencontré malheureusement beaucoup de problèmes et ai du laissé ce kiosque à des étudiants, dans les années 2000, pour vendre des gloubettes. En 2008, la mairie de Tunis s’est approprié ce kiosque que j’essaie désespérément de récupérer depuis.

Mille et une Tunisie : Existe-t-il une tradition de la marionnette en Tunisie et où peut-on voir actuellement des spectacles ?
La marionnette fut de tous les temps et de tous les pays. D’après les études faites, à Tunis, longtemps avant le protectorat, des forains cumulaient le métier d’arracheurs de dents et de joueurs de marionnettes. Leurs représentations obtenaient un franc succès surtout dans les milieux populaires où petits et grands accouraient en foule pour acclamer le héro et huer le traitre. Le théâtre de pupi s’est également développé et Tunis a même pu compter jusqu’à 3 petits théâtres de marionnettes. Il faut savoir aussi que le genre théâtral des marionnettes en Tunisie remonte au 14ème siècle avec le théâtre de l’ombre né avec «Karakouz» et les marionnettes siciliennes avec Ismail Pacha sous l’empire ottoman.

Durant de longues années aussi sur la place Halfaouine a fonctionné pendant le Ramadan un théâtre donnant de courtes scènes en arabe. Aujourd’hui et surtout depuis l’arrivée de la TV dans tous les foyers les marionnettes ne font que de rare apparitions. On peut cependant encore voir des spectacles au Centre national des Arts de la marionnette à Tunis ou dans le pays lors des tournées de certaines compagnies. Invitée en Arles en 2005 par les Editions Acte Sud, j’ai moi-même présenté un spectacle que j’ai écrit, « Graine d’amour ». Ce spectacle, l’histoire d’une nomade qui plante des graines d’amour, est un hymne à l’amour de la lecture et de la connaissance.

Mille et une Tunisie : Si vous deviez citer quelques grands noms de la marionnette tunisienne ?
Rached el Manai, Moncef Belhaj-Yahia, Rafik el Meddeb, Kamel Jendoubi…

Propos recueillis par Aurélie Machghoul


Dalila Laabidi

34, rue Mohamed Marzouk – Ben Arous

Tél.: (+216) 98 272 023

E-mail: laabidi.dalila@planet.tn

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