Suspendus depuis 6 mois, le chantier fait l’objet d’un arrêté de destruction. Sitôt l’information partagée, la population s’est mobilisée pour bloquer la construction anarchique sur un terrain exploité par Imed Ben Kamla promoteur du projet sur le site de la Basilique de Bir Ftouha à Carthage. Un terrain archéologique inscrit depuis 1979 sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité qui a été déclassé sous le régime de Ben Ali puis reclassé par le décret du 10 mars dernier.

C’est Sami Bahri propriétaire du « Saf-Saf » qui donne l’assaut sur les réseaux sociaux. «C’est un habitant de la Cité des Pins qui nous a avertis dans l’après-midi que des gens avaient commencé à construire. Nous avons trouvé 3-4 gros chantiers en route dont on creusait les fondations. Nous avons d’abord été agressés par les propriétaires et avons alerté les autorités qui sont venues arrêter les chantiers. Mais à mon avis, ils vont recommencer ce soir. Nous allons faire des rondes… S’ils recommencent, je lancerais l’alerte pour mobiliser un maximum de personnes pour venir défendre notre patrimoine.» Toute la nuit durant, des rondes ont été faites et le recours aux forces de l’ordre a porté ses fruits.

Sur place, l’exaspération des propriétaires et des promoteurs est palpable. Certains en sont même venus à la violence lorsque les opposants à la destruction du patrimoine national devenaient de plus en plus nombreux et souhaitaient prendre des photos en intimant l’ordre d’arrêter les travaux. La présence de l’avocate Bochra Belhadj-Hamida a tempéré les ardeurs. Les propriétaires qui ont acheté à plus de 1000 TND/m2 sont excédés. «Nous avons payé un bien immobilier dont on nous prive. Nous avons été l’objet d’une supercherie et sommes pris en otage par le ministère de la Culture et du Patrimoine qui ne réagit plus à nos diverses demandes. Nous sommes excédés et attendons des réponses claires de la part de l’administration qui fait la sourde oreille», déclare un propriétaire sur place. Voici pour l’opinion des «victimes».

En face, la mobilisation se fait de plus en plus forte car le plus important est de cesser de détruire un patrimoine violé par le béton qui continue d’envahir les terrains archéologiques et d’ailleurs pas seulement à la Marsa… Il est urgent d’intervenir. Le gouvernement, la mairie et le ministère de la Culture doivent rapidement appliquer la loi du reclassement de ces terrains. Que va-t-il advenir des bâtisses déjà construites (destruction) ? Qui est en charge de l’application de la loi : la mairie ? La police ?…

En début de soirée, on a même voulu faire penser que c’était la municipalité de la Marsa qui détruisait les constructions anarchiques alors qu’il s’agissait de construire de nouveaux biens. Une manœuvre pour détourner l’opinion publique qui s’avère ne plus être dupe. Des dizaines de citoyens se rendent sur le terrain et bloquent le chantier en ce moment même. Qui est derrière cette reprise dominicale des travaux ? Qui paye les factures ? Où est l’administration ?

Ce matin, le chantier a de nouveau repris. La population aussi a repris plus que jamais son alerte et a entrepris des négociations avec l’entrepreneur conciliant qui a aussitôt arrêté de creuser. A l’heure ou nous publions cet article, de nombreux témoins s’étonnent de ne pas voir encore arriver les responsables contactés de la municipalité où l’on a donné l’alerte à plusieurs reprises. Des personnes qui sont sur place à Malga appellent à un rassemblement à 16h aujourd’hui devant la municipalité de Carthage pour obliger le Conseil municipal à intervenir et faire cesser cette agression contre un patrimoine mondial!

Plus que jamais mobilisée, la population exige l’intervention immédiate du gouvernement provisoire Ceci est une question de propriété collective de tous les Tunisiens du passé, du présent et du futur. Il faut sauver Carthage !

Amel Djait


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