Il n’empêche que du côté de la ville des jasmins, c’est un café branché qui a refusé de servir un petit déjeuner à un groupe de jeunes sous prétexte que l’établissement ne servait pas les musulmans. Le célèbre café « Sidi Bou Hdid » a aussi fermé ses portes au désespoir de nombreux touristes qui regrettent ne pas avoir été informés.

A Korba, une pâtisserie précise que la consommation sur place pour les Tunisiens est interdite. Un restaurant touristique à Nabeul affirme à des clients qu’il est interdit aux Tunisiens de boire alors que c’est un couple de touristes non musulmans qui commande une bouteille de vin pour accompagner son dîner. A qui la faute ? A leur ami qui s’est joint à eux ou à ce Tunisien qui a accepté l’invitation? Peut-être au restaurateur qui l’on somme de ne pas servir au risque de froisser ses clients en les offensant par de telles précisions ?

Dans la capitale et du côté de l’avenue Habib Bourguiba, il n y’a que deux cafés qui sont ouverts. A l’intérieur l’air est tellement irrespirable que l’on tourne de l’œil à peine  l’on y  pénètre. Inutile de revenir en détails sur les tarifs appliqués et le service qui y est assuré. Sur les marches du théâtre municipal, les touristes assoiffés se reposent juste à côté d’un des cafés mythiques de l’avenue, hélas fermé !Les chaises sont pliés, les parasols sont en berne et les tables groupées… Quelqu’un se soucie t-il même de l’esthétique de la ville et de son attractivité ? La  Tunisie reste t-elle une destination touristique durant Ramadhan?

Alors que de nombreuses initiatives pourraient être prises pour faire du pays une vraie destination ramadhanesque avec un vrai focus sur les festivals, la cuisine et les traditions populaires…La situation actuelle est en passe de devenir critique en ce sens où les non jeuneurs deviennent traqués partout. Jusqu’ici, les villes et sites touristiques avaient une situation privilégiée. Qu’en est-il aujourd’hui ? Qu’en pense l’administration en général et celle du tourisme en particulier?

« C’est récent…Jusqu’à il y’a 3 ans , l’avenue était ouverte. Chacun vivait sa vie que l’on jeune ou pas…Aujourd’hui, c’est pire ! L’ambiance est lourde et les gens sont intimidés, Il est inutile de s’afficher durant ramadhan. La religion recommande la discrétion  mais je me dis qu’il y’a d’autres moyens pour rendre les cafés ouverts discrets. Il suffirait de mettre des grands pots de fleurs ou des stores. Je vais souvent en Turquie où tout est ouvert même pendant Ramadhan. Il faut rester vigilant et faire en sorte de ne pas diaboliser  ceux qui ne jeunent pas… » témoigne avec passion Abdelkrim. 56 ans qui affirme ne plus reconnaitre ce centre ville qu’il n’a jamais quitté !

Au Maroc, où les commerces restent ouverts , les enseignes internationales comme « Pizza Hut » ou « Mc Do » sont obligées de demander la carte d’identité des consommateurs. S’ils sont musulmans, ils ne les servent qu’à emporter. S’ils sont non musulmans, ils peuvent consommer sur  place. Comme si musulman était devenue une nationalité. Ridicule quand tu nous tient !

Pour en revenir à la polémique en Tunisie, cela commence avec une campagne contre les cafés et les restaurants qui se hasarderaient à rester ouverts pendant ramadhan puisque des menaces ont été proférés à leur adresse. Des menaces qu’Ahmed D, cafetier, reconnait du bout des lèvres disant: « De toutes façons, je ne peux travailler H 24. Je préfère ne pas tenter le diable et rester fermé. En plus,  le soir , mon café est bondé jusqu’au petit matin…Alors à quoi bon ? Ils risqueraient de tout casser … ». Mais qui ils ? Bien entendu, il ne répondra pas à la question.

Depuis, les craintes ont justifiés la mise en place d’un contre campagne mené par le Conseil National des Libertés en Tunisie (CNLT). 11 partis et 6 associations sont à l’origine de ce mouvement. Il s’agit du Parti Ouvrier Communiste Tunisien (POCT), le Mouvement Ennahdha, le Parti Tunisie Verte, le Mouvement Baath, le Congrès Pour la République (CPR), Le Parti de la Réforme et du Développement, le CNLT, l’Organisation tunisienne de lutte contre la torture, l’Association liberté et justice et la Ligue tunisienne pour la tolérance.

Du côté des officiels, la confusion est d’autant plus dangereuse. Le Mufti de la république appelle aux cafetiers et gargotiers de fermer leurs portes « pour ne provoquer personne ». Le ministère des affaires religieuses  prône le contraire. Quelle est la position officielle de la Tunisie ? Où vont les libertés individuelles ?

A l’heure actuelle, la question est de savoir comment la Tunisie pays de tolérance et d’ouverture va négocier ce tournant entre tolérance et repli identitaire ? A l’heure de cette étape cruciale,  il s’agit de ne pas balayer avec la transition démocratique l’islam à la tunisienne. Un islam de la diversité et de l’ouverture.

Amel Djait

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