Un des événements majeurs de la photographie internationale. Entretien pour connaitre ce jeune artiste et en savoir plus sur les jeunes talents dont regorge la Tunisie. Un entretien pour comprendre aussi « Tous les matins de Tunisie » un concours photos qui n’en est pas un.

Mille et une Tunisie : Le 14 juin 2011 à 7h59, 24 personnes au moins prendront en photo avec un téléphone, un compact, un reflex ou un appareil pro pour saisir leur perception de l’instant. 24 personnes et chacune dans un gouvernorat différent. Pourquoi?
Wassim Ghozlani : L’idée est de fabriquer une journée de matins qui réuniraient plusieurs Tunisiens à travers la photographie comme pour se rapprocher de cette date du 14 janvier 2011. Disons que c’est une façon pour moi de vivre cette date par le biais de la photo. Ce jour-là, je n’ai pas pu être présent. C’est aussi pour passer à une autre phase. Réunir des sensibilités sur chaque fuseau horaire du globe et ainsi passer des 24 gouvernorats aux 24 fuseaux.

Mille et une Tunisie : Y a-t-il un sujet ?
Le sujet de la photographie reste totalement libre, dans la limite de la liberté et du respect physique et moral de soi et des autres. Le but de cette photographie de l’instant n’est pas la qualité artistique, journalistique ou autre mais la capture d’un instant. Simplement.

Mille et une Tunisie : Une expo, une pensée, un projet?
Dans la mesure du possible les photos de ce projet feront objet d’une exposition de photos en tirage papier et d’un livre. Je planifie aussi de donner un caractère itinérant à l’exposition. J’aimerais qu’elle traverse les 24 gouvernorats du pays.
Je recherche aussi activement une structure ou un sponsor pour devenir partenaire du projet en y associant son image afin de m’aider à réaliser le projet dans sa totalité.

Mille et une Tunisie : Quelle photo résumerait la révolution tunisienne pour toi?
Il n’y a pas une photo qui résume à elle seule la révolution tunisienne. D’abord du fait que pour moi la révolution à commencé avec les manifestations de Redeyef en 2008 et qu’ensuite elle n’est pas encore finie. Par contre, je pense qu’il y a de très belles photos dont notamment celle de Fred Dufour qui montre un homme devant les forces de police tenant dans ses mains une baguette ou celle de Hamideddine Bouali avec la jeune fille qui lance un cri de victoire en brandissant le drapeau de la Tunisie.

Mille et une Tunisie : Tu participes à la prochaine édition du mois de la photo au Canada en tant que membre de la délégation francophone pour visiter les expositions et participerez aux activités offertes. Comment s’est faite ta sélection? Penses tu que la révolution y soit pour quelques chose?

Ma candidature pour le Mois de la Photographie à Montréal a été précédée par le dépôt de mon dossier à travers l’Institut Français de Coopération. Je ne peux dire si la révolution était ou pas déterminante pour cette participation. Par contre, je peux dire que dans mon dossier il n’y avait pas de photos de la révolution tunisienne.
Je ne suis pas à ma première expérience, j’ai déjà participé à plusieurs expositions nationales et internationales. Je suis aussi le fondateur du premier portail tunisien pour les passionnés de la photographie numérique. Depuis Janvier 2011, je suis aussi le responsable d’organisation du Club Photo de Tunis pour un mandat d’un an.

Mille et une Tunisie : De quelle manière es tu venu à la photo?

Le domaine des arts visuels me fascine depuis mon jeune âge. Le design, le dessin, le graphisme et surtout la photographie. Mais ce n’est que depuis deux ans maintenant que je me consacre principalement à la photographie. Pour être franc je n’ai pas fait des études en photographie. Je me positionne comme un autodidacte. Cependant être autodidacte m’a poussé à tout apprendre à travers la lecture et les recherches et surtout la pratique devenue presque quotidienne.

Mille et une Tunisie : T’intéresses-tu à ce que font d’autres photographes?
Disons que oui. J’essaie de me documenter et d’être au courant des travaux photographiques qui se font en Tunisie et dans le monde. Histoire d’avoir une petite source d’inspiration et éviter de partir dans des travaux qui ont déjà été faits. Mais depuis quelques temps et suite à ma découverte d’abord du travail du photographe sud-africain Pieter Hugo et puis de celle du projet « Afrique in Visu », je commence à me pencher sur les travaux des photographes africains qui à mon avis restent restreints à une reconnaissance éphémère de la part des occidentaux malgré la qualité du travail et la richesse de ce continent.

Mille et une Tunisie : T’intéresses-tu à d’autres formes d’art?
J’ai un très grand penchant pour le « Street Art » dans toutes ses formes, allant de la simple installation jusqu’aux graffitis les plus complexes. Surtout que durant la révolution il y a eu beaucoup d’évènements autour de cette forme d’art comme les « tags » de la Kasbah, pour ne citer que ça. Il faut dire aussi que depuis quelques années beaucoup de talents tunisiens émergent dans ce domaine, à l’instar de Hafedh Khediri et Meen one, qui sont soutenus par des galeries comme « Artyshow » et autres…

Mille et une Tunisie : Te souviens-tu de ta première photo?
Je m’en souviens très bien. Ce jour là, j’ai grillé une des pellicules de mes deux appareils photo jetable Kodak. C’était en 2003, lors du deuxième festival des sports extrêmes à Hammamet. J’avais pris en photo un moto-cross vert effectuant un Back Flip.

Mille et une Tunisie : As tu des regrets ou des projets d’images?

Des regrets non. Plutôt un projet qui consiste en une série de photographies en la mémoire des martyrs de la révolution et leurs familles. Je travaille depuis le début de cette année sur un projet de livre.
Mille et une Tunisie : Qui sont tes modèles? De qui t inspires tu?
Disons qu’il n’y pas le modèles mais plutôt de grands photographes que je respecte et dont j’admire les travaux à l’instar de Josef Koudelka que j’ai eu l’occasion d’ailleurs d’accompagner en tant que fixeur pendant 15 jours à travers toutes la Tunisie. Je pense à d’autres talents que je découvre au fur et à mesure comme Daniel Lainé. J’ai aussi une admiration particulière du travail de feu Abdelhamid Kahia, grand photographe tunisien, et son livre « Tunisie ». Un livre qui à mes yeux est un très bel hommage à la Tunisie des années soixante.

Mille et une Tunisie : Dans ton travail tu mets en avant le principe de la charte de la photographie équitable. Qu’est ce que c’est que cette charte? Qui la respecte? Que sert-elle?
La Charte de la Photographie Équitable à été mise en place en 2010, à l’initiative de l’UPP Nord, à travers un groupe de travail mixte, réunissant communicants et photographes pour trouver les règles simples d’accord et d’échange entre utilisateurs et créateurs de photographie. Près de 100 signataires l’utilisent déjà en France ou à l’étranger depuis la Suisse, le Canada, la Belgique ou la Tunisie dont je suis le seul adhérent.
Cet outil apporte des réponses concrètes aux problématiques soulevées par les créateurs et utilisateurs d’images photographiques. Il permet des relations professionnelles simples, la comparaison des offres, tout en s’inscrivant dans le respect du Code de la Propriété Intellectuelle.
L’objectif de la charte est de faciliter la rédaction de contrats équilibrés entre les photographes et les utilisateurs d’images. Issue d’une consultation large et multipartite, elle définit un cadre de travail volontaire qui dynamise la production d’images indépendantes et qualitatives. La charte de la photographie équitable s’adresse aussi bien aux photographes qu’aux utilisateurs d’images.

Propos recueillis par Amel Djait

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