Il en parle avec passion et fierté et on plonge aussitôt dans toutes les » Marsa » possibles : « la Marsa ville, Résidence, Plage, Cube, la Corniche, Saniet el Aneb’ Lahouèche… La Marsa dans la mémoire collective, c’est surtout cet immense verger majestueusement gardé par « Jbel el Manar » du côté de Sidi Bou Said et par le Cap Gammarth à la pointe de Mégara….Lieu de villégiature et de paix pour certaines dynasties, il est tout simplement un espace de vie pour d’autres… ».
Ces souvenirs qui remontent à la surface pourraient être une introduction à l’une des succulentes histoires de l’irrésistible Abdessater Amamou, conteur hors pair et principal animateur de « Layalli El Saf Saf », un festival ramadhanesque qui se déroule justement à La Marsa au Saf Saf.
Le Saf Saf est un café mythique de la banlieue chic de Tunis qui a bercé l’enfance de plusieurs générations de tunisiens. Après quelques années de quasi abandon, le Saf Saf est en train de renaitre de ses cendres. Depuis ce début de ramadhan, on y organise tous les soirs des soirées musicales et des causeries. Au-delà du programme de « Sahriyet Dar El Bahri », les heureux propriétaires ont de grandes ambitions pour faire revivre ce lieu rare à la Marsa. Ils ont des projets à la hauteur des souvenirs qui hantent les inconditionnels du Saf Saf afin de lui redonner toute son aura d’antan. Entretien avec Sami Bahri, l’un des piliers de ce gros chantier. Par Amel Djait.
Mille et une tunisie : « Layalli El Saf Saf » est une initiative qui veut réinsérer ce lieu mythique dans l’agenda culturel de Tunis. Quelle est son ambition et les moyens dont elle dispose?
Sami Bahri : Ce n’est pas une ambition, c’est une mission. Le Saf Saf était dans les années 60 et 70 le centre culturel de la banlieue nord. Les grands noms des musiques tunisiennes de l’époque comme Ali Riahi et Naama y donnaient des concerts. La scène d’antan fait encore partie du décor. Nous concernant, cela fait longtemps que nous réfléchissions au besoin de faire revivre cette tradition. Le problème était qu’en tant que propriétaires du lieu, aucun de nous n’était du domaine. Nous avons depuis rencontré Souheil Mouldi, de l’agence de tourisme culturel « Expédition » , l’historien Abdessattar Amamou et l’actrice Houda Ben Amor, qui cherchaient un nouveau cadre pour leur programme de causeries ramadhanesques. Nous avons alors trouvé les partenaires idéaux pour développer un programme à la hauteur de cette mission.
Ainsi donc est né « Layalli El Saf Saf »
Pour nous, « Layalli El Saf Saf » 2010 est déjà une réussite. Nous avons en peu de temps forgé une équipe motivée et ambitieuse qui a pu mettre en place une organisation efficace et un programme très divertissant. Les premières soirées ont montré que nous somment sur une très bonne voie pour faire la différence dans l’agenda culturel de Tunis, non seulement grâce au cadre et à la renommée du Saf Saf mais aussi par la qualité des programmes que propose ce festival.
Quelle est la caractéristique de sa programmation?
Le fil conducteur de « Layalli El Saf Saf » est tissé par les causeries quotidiennes d’Abdessattar Amamou: « Aabr El Oussour » ou » le Passé Revisité » . Tous les soirs du 14 Août au 5 Septembre, il abordera avec sa rhétorique très particulière différents thèmes de l’histoire et des us et coutumes tunisie. Le programme sera complété par une intervention musicale ou théâtrale qui changera tous les soirs. Nous avons voulu créer un programme dynamique qui sort de la monotonie classique où un orchestre joue pendant 1 heure et demi. Il y a une alternance entre les causeries de Abdessattar et du groupe qui le compléte. Ce “Ping-Pong” entre les 2 parties du spectacle à très bien fonctionné dès les premières soirées.
Et de sa clientèle ?
Nous avons aussi misé sur l’intégration d’une soirée francophone tous les mercredis. Nous voulons ainsi attirer une cible qui est un peu délaissée pendant le mois de Ramadhan. Abdessattar Amamou parlera en français et de temsp en temps, nous allons aussi sortir un peu du cadre de la musique arabe classique.
Et le café dans tout cela ?
Bien entendu, nous voulons et devons garder la convivialité d’un café et permettre au public et aux clients de discuter autour d’un verre de thé à la menthe. Nous avons aussi quelque petits “highlights” gastronomiques avec une gamme changeante de pâtisseries traditionnelles tunisiennes. Bien évidemment la célèbre Brik du « Saf Saf » reste incontournable. Notre objectif étant que public et clients sortent ravis d’avoir (re)vécu ces célèbres nuits qui ont fait la renommée du Saf Saf, ou les “aaylet” de Tunis venaient passer leur soirée dans les années 60, 70 et 80.
Quels sont vos rêves pour un lieu si rare ?
Il ne s’agit pas de rêves mais d’idées très concrètes que nous avons commencé à mettre en route. Je pense que nous avons trouvé de bonnes solutions à l’équation “tradition + modernité”. Il était question de trouver comment garder le cachet traditionnel du « Saf Saf » tout en le transformant en une entreprise efficace à l’image d’une Tunisie moderne.
De nombreux adeptes du « Saf Saf » le boudent en raison de son état qui ne cesse de se détériorer.
En tant que l’un des propriétaires de ce lieu, qu’est ce qui empêche l’entretien et la mise en valeur de cet espace si unique?
C’est vrai que mes frères et moi n’avons pas eu le temps de nous en occuper comme il faut. Mais nous avons démarré cette année tout un programme de mise à niveau et « Layalli El Saf Saf » en est une première étape: Les visiteurs de ce festival naissant étaient très agréablement surpris des progrès que nous avons fait et nous œuvrons d’arrache-pied à récupérer tous ceux qui nous boudent. J’ai d’ailleurs remarqué que ceux qui nous boudaient le faisaient aussi avec beaucoup d’autres choses qui ont mal évoluées en Tunisie. Ils sont à la recherche de la qualité d’antan et nous faisons tout notre possible pour la ressusciter.
Un travail de titan !
Absolument ! surtout qu’il reste un problème épineux dû à la détérioration de la place du « Saf Saf » qui n’en finit plus d’être envahie par des gargotes qui dégradent les alentours. Nous sommes constamment en train de nettoyer devant et à coté du « Saf Saf » pour essayer de maintenir un semblant de propreté mais c’est vraiment un travail de Sisyphe.
Y a t-il un moyen de classer le « Saf Saf » comme un monument national? Peut-on créer une fondation autour de ce lieu? Pouvez-vous aspirer à une subvention pour l’entretenir et redorer son image?
Nous avons déjà un soutien efficace de la part des autorités locales qui font de leur mieux pour nous aider à redonner au « Saf Saf » son cachet d’antan. Nous sommes aussi en contact permanent avec l’Association de Sauvegarde de la Ville de La Marsa.