Gightis

Mais, ce faisant, on passe à côté de bien des richesses de ce coin de Tunisie qu’on appelle la péninsule de Zarzis et dont l’immortelle chanson populaire nous apprend (gâlou nawwar, zitoûn fî Zarzis) que c’est un pays où les oliviers fleurissent aussi.

Oui, il ya bien des plantations d’oliviers dans la péninsule de Zarzis, et même parmi les plus importantes de Tunisie, ce qui permet à la région d’être considérée comme l’un des principaux producteurs d’olives et d’huile d’olive du pays. Mais la presqu’île a bien d’autres atouts que la majorité des gens ignorent. Pour cette raison, nous vous invitons à faire avec nous le tour du domaine.

Nous avons entrepris la visite de la péninsule de  Zian (il me plaît de l’appeler ainsi d’abord parce qu’elle porta ce nom dans l’Antiquité puis pour rappeler l’ancienne appellation de l’actuel chef de la délégation, Zarzis) pour ainsi dire à sa naissance, au fond du golfe de Boughrara, non loin d’une dépression salée et nous l’avons achevée tout près d’une autre dépression de même nature, au fond d’un autre golfe, celui d’el Bibane.

Le golfe de Boughrara porte le nom d’une modeste bourgade de pêcheurs qui, ces dernières années, prend des allures de petite localité qui prospère à proximité de son aînée, Gightis qui, elle, fut une véritable capitale régionale dans l’Antiquité punique et romaine.

Bien qu’en retrait de la grande voie de communication qui reliait Carthage à la province tripolitaine, Gightis fut une cité d’intérêt stratégique et économique considérable, sa position au fond d’un golfe et la proximité d’une riche campagne en faisant un site idéal pour l’établissement d’un port ouvert sur les principales places méditerranéennes.

Jenina Akkari-Weriemmi, native de la région et archéologue nous apprend dans un fascicule publié par l’Agence du Patrimoine que la fondation de la cité remonte à l’époque punique, comme en témoigne l’existence sur le site de deux nécropoles remontant aux III° et II° sicles avant J.C. Annexée ce même siècle au territoire numide du roi Massinissa, elle a été intégrée à l’Africa Nova au I° siècle après J.C. L’essor urbanistique, économique et social de la cité se situe à la fin de ce siècle pour atteindre son apogée entre les II° et IV siècles. Pui elle décline progressivement avec  les turbulences qui s’abattent sur la province africaine avant de disparaître au lendemain de la conquête arabe, au VII° siècle.

De cette prospérité, Gightis garde aujourd’hui des traces sous forme de vestiges qui s’étendent sur 55 hectares et dont seuls de petits îlots ont été dégagés ou consolidés. Il s’agit de thermes (bains publics) situés en face de l’entrée du site et qui ont été mis au jour ces dernières années ; il s’agit aussi du forum (place publique attenant au principal temple de la cité) dont subsiste le dallage dans un parfait état de conservation ; la base du temple lui-même (le capitole) avec les marches conduisant au podium.

Autour du forum, des fouilles très anciennes ont permis le dégagement de nombreux autres édifices tels cet autre complexe thermal, des temples dédiés aux dieux Mercure, Esculape ou Apollon ainsi que des installations administratives, ou commerciales.

Le site a également fourni des objets de valeur : des mosaïques, de la céramique ou des verreries ainsi que de belles sculptures sur marbre, telle cette statue de la Concorde Panthée de 2,30 m de haut aujourd’hui conservée au musée du Bardo.

Le site semble avoir dérablement souffert des conditions climatiques de la région (embruns marins et vents chauds) autant que de laisser aller durant une trop longue période temps. Pour s’en convaincre, il suffit de visiter le musée de la ville de Zarzis où sont exposés bien des objets provenant d’ici mais, surtout, une maquette de l’endroit exécutée aux débuts du siècle dernier qui témoigne d’une bien meilleure conservation du site et où le capitole semblait rivaliser avec celui de Dougga. Aujourd’hui le site est clôturé (entrée payante) et bien entretenu. Et, en dépit de la relative modestie de la taille et du nombre des monuments qui le composent, il n’en garde pas moins une allure certaine qui justifie largement une visite qui peut agréablement être complétée par une flânerie en bord de mer, du côté du port de pêche.

Tahar Ayachi